Lundi 3 octobre 2011
03/10/2011 23:01 par pourtoipapa
"Je soussigné, Mlle XXXXX Aurélie, autorise l'incinération du corps de mon défunt père, Mr XXXXX Henri, décédé en date du 01/10/11 à Brou sur Chantereine." Brou sur Chantereine... Quelle ironie, c'est là que je suis née. Même la date de ton départ est d'une ironie incroyable. Le 01/10/11. Très binaire. Toi qui ne jurait que par l'informatique, ça ne devrait pas m'étonner que tu aies choisi cette date. Depuis hier, je me vois contacter des gens de la famille avec qui je n'avais pas parlé depuis très longtemps, tellement longtemps que je ne sais même plus. Ce soir je devais appeler ma soeur Sylvie, pour lui donner les détails de tes obsèques, hélas je suis rentrée tard de ma première journée de formation, puis il a fallu que j'appelle maman pour avoir les détails sur la suite des évènements, et du coup je n'ai pas pu. Il faudra que je le fasse demain. Tu imagines? Sylvie a demandé si elle pourra être présente. Sylvie, ta fille, celle qui avait pourtant promis à sa mère qu'elle n'aurait plus jamais de rapports avec toi. Sauf que maintenant, tu es parti, peut-être estime-t-elle qu'elle est en droit de te faire un dernier hommage. Les détails de tes obsèques sont tombés ce soir pour moi, quand j'ai eu maman au téléphone. Vendredi... A 14h au Funérarium de Montfermeil. Bien que tu aies fait beaucoup de ménage dans ton entourage ces dernières années, tu vas voir du monde ce jour-là. On verra, mais il y aura au moins maman, moi, ton fils, ta fille aînée, tes nièces Christine et Françoise, ton neveu Fabrice, d'autres personnes sûrement. Et des membres de la famille de maman, même sa soeur qui vit désormais dans le sud de la France, elle va monter exprès. Et même ta soeur Colette sera là, elle viendra exprès de Normandie. Elle ne s'en remet pas, tu sais. Je suis sûre que tu ne t'attendais pas à ça. Tu veux que je te dise? Moi non plus! Aujourd'hui je suis allée faire ma première journée de formation d'Assistante Maternelle Agréée. Je me suis obligée à n'avoir la tête que dans cette formation, durant le temps où j'y serais. Je suis bien entourée, j'ai déjeuné avec 5 de mes collègues, et j'ai fait une grosse partie du trajet du retour avec 2. Ca m'a permis de m'aérer l'esprit. Mais je garde quand même en tête que s'il y a bien quelqu'un qui devra s'exprimer vendredi, c'est bien moi. J'ai toujours été en symbiose avec toi, je pense que personne d'autre que moi ne pouvait mieux comprendre tes souffrances. On en discutait avec maman tout à l'heure au téléphone. Tu n'as jamais été heureux, c'était facile à voir. Alors j'espère que maintenant, tu ne souffres plus, que tu es bien. Je ne sais pas si j'arriverai à te lire un long discours vendredi, mais je vais quand même préparer quelque chose. C'est important de faire cette démarche, il n'y a pas mieux placé que moi pour ça. Tout le monde le sait, c'est pour moi que ta perte est la plus cruelle. Même si au fond, je sais que tu es toujours présent...
Dimanche 2 octobre 2011
02/10/2011 02:25 par pourtoipapa
Tu sais papa, je t'en veux. Je t'en veux d'avoir été égoïste, de nous avoir laissés tomber, de ne pas avoir tenu la promesse que tu m'as faite de te battre. A moins que... Cette promesse, tu me l'as faite le 14 août, lendemain de mes 26 ans, je te disais que j'avais besoin de ta toi et que ta petite-fille aussi. Et tu as vu ta petite-fille pour ses 2 ans, le 19 septembre. Ce n'est qu'après que tout a dégénéré. Alors tu l'as quand même tenue en partie. J'aurais peut-être du te préciser que je voulais te voir sortir en vie de cet hôpital. Mais tu l'avais dit, que tu ne sortirais pas vivant. Comme souvent, comme toujours, tu as eu raison. Ca va me manquer de ne plus t'entendre, de ne plus te voir. Même si je vais toujours pouvoir, car j'ai les meilleures images du monde de toi. Souviens-toi, pendant l'été 2010, nous étions en vacances dans le sud, Manu, Sisi et moi. Et nous étions avec maman et toi pendant 2 semaines. Souviens-toi cette mémorable partie de Jeu de l'Oie, où tu revenais inlassablement au début car tu tombais toujours sur la mauvaise case! Ou encore, le 26 décembre de cette même année, comment tu faisais l'idiot avec Manu, en jouant avec la théière que Silhana a eu pour son Noël! J'ai paniqué hier soir, je ne savais plus où étaient ces 3 vidéos avec la théière. Mais en fait, elles étaient restées dans une application de mon téléphone. Je vais tâcher de les sortir vite vite de là, pour en faire plein de copies, et ne jamais les perdre. Mais j'ai beaucoup d'autres vidéos de ma fille à sortir avant (je les prends dans l'ordre, sinon je vais me perdre dans la chronologie). Hier soir, aussi, j'ai regardé les albums photos de Sisi. Il y a une très belle photo de vous deux, datant d'août 2010. Vous avez le même petit sourire dessus. Et elle fait un petit signe de la main. Je la mettrais bien en photo de profil sur son Facebook, mais maman m'a demandé de ne rien afficher de ce qui t'est arrivé, sur Facebook. Je ne sais pas encore que faire. Pas envie d'aller à l'encontre de sa volonté, mais en même temps, j'aimerais pouvoir dire ouvertement que ça ne va pas, et que j'ai besoin de soutien. Le comprendrait-elle... A moins qu'elle veuille juste que je n'affiche rien, le temps que toute la famille soit prévenue oralement. Possible. Je me pose plein de questions quant au jour J. Vais-je supporter d'entrer dans cette fameuse pièce où ton corps sera exposé dans le cercueil ouvert? Supporter de voir ce même cercueil partir dans le four? J'ai tellement peur d'avoir des regrets à vie si je ne t'accompagne pas jusqu'au bout. Mais je suis terrifiée à l'idée d'assister à tout ça. Peut-être est-ce la concrétisation de ton départ qui me terrifie à ce point. Mais en fait, tu ne pars pas vraiment, hein? Tu es toujours avec moi, quelque part. Tu veilles sur moi, je le sais. On verra bien, une fois le jour venu. J'ai discuté avec Sha, une fille très gentille que je connais depuis plusieurs années. Elle connait par coeur les deuils, enterrement, crémations... Elle vit ça une fois par an dans sa famille. Cette fameuse photo de Silhana et toi, d'août 2010, je l'imprimerai sûrement, et la mettrai dans sa chambre. C'est Sha qui m'a donné cette idée de la mettre dans sa chambre, moi j'avais l'idée de l'imprimer mais je me demandais où la mettre, elle m'a donné cette réponse avant mêmeque je ne lui demande son avis. Donc cette photo sera dans la chambre de Silhana. Pour qu'elle ne t'oublie pas, qu'elle sache que tu es toujours là, même si elle ne peut plus te voir physiquement. Elle te verra en photo, tout près d'elle, dans sa chambre. Elle tilte beaucoup sur les photos. Régulièrement, elle pointe du doigt celles du salon, et nous dit quelles personnes sont présentes dessus. Bientôt, elle pointera cette photo-là aussi, et dira qu'il y a son papy dessus. Celui qui veille sur elle en silence.
Samedi 1er octobre 2011
01/10/2011 21:26 par pourtoipapa
Bonjour papa. Eh bien voila, ce qui devait arriver est arrivé. Tu nous as quittés ce soir. Vers 19h, l'hôpital a appelé maman, qui m'a appelée vers 19h45. Je ne pourrai donc jamais te dire de vive voix comment se passe ma formation puisqu'elle ne commence que lundi. On ne pourra donc jamais rattraper le fait qu'on n'a pas pu se parler hier. Je ne sais pas si maman te l'a dit quand elle est venu te voir hier soir, elle m'avait appelé juste avant, en me disant qu'elle verrait si tu es assez bien pour pouvoir me parler au téléphone. Quand elle m'a dit ça, on était en voiture, pour aller à la piscine car on avait promis à Silhana de l'y emmener. J'ai attendu, attendu, attendu qu'elle me rappelle. Elle ne l'a pas fait. C'est une fois arrivés devant les portes de la piscine que j'ai dû lui envoyer un SMS pour lui annoncer que malheureusement j'allais laisser mon téléphone dans le casier. Mais ce soir, elle m'a dit que tu n'allais pas bien, hier. C'est peut-être mieux comme ça finalement, si on n'a pas pu se parler. Aujourd'hui, tu avais l'air mieux, à ce qu'elle m'a dit. Alors tu es parti en étant bien, je l'espère en tout cas. De toi, je garderai donc les images de notre dernière visite. A quel point tu étais ému lorsque Manu t'a apporté un morceau du gâteau d'anniversaire des 2 ans de ta petite-fille Silhana. Au moins, tu en auras mangé. Tu pars avec l'idée d'avoir vu et mangé (même si très peu, tu en as quand même mangé) de ce gâteau-là. Le dernier gâteau d'anniversaire de Silhana. A l'heure actuelle, mon sujet de stress, c'est de ne pas pouvoir être présente à ta crémation. Je serai au centre de formation lundi, mardi et jeudi, et je crains vraiment que ce soit jeudi. Je m'en fous complètement de rater une journée de formation s'il le faut. Mais il ne faut pas que ça pose préjudice à mon avenir. A ce que j'ai lu, si je ne justifie pas l'absence, ils pourraient carrément me retirer mon agrément. Tu sais à quel point c'est important pour moi. Au pire, il faudra que je demande une copie du certificat de décès... En attendant, la vie continue. Toi, où que tu sois, je sais que tu continueras de veiller sur moi. Sur ta petite-fille aussi. Pense à ton gendre aussi.
Vendredi 30 septembre 2011
30/09/2011 10:53 par pourtoipapa
Bonjour papa. Je me suis réveillée en sursaut ce matin. Je ne sais pas trop pourquoi, je me suis rappelée de cette fois où, au téléphone, tu m'as dit que le kiné te faisait asseoir et lever, et que tu y arrivais. Je me demande si tu as toujours des séances de kiné aujourd'hui. Je pense qu'il ne sert à rien de me demander si tu peux toujours t'asseoir, je ne t'imagine plus le faire. Et c'est pour ça que je me demande pour le kiné. Puisque tu ne peux sûrement plus rien faire au vu de ton apparente faiblesse physique et mentale, à quoi servirait-il, le kiné? Je pense appeler maman ce soir, à moins qu'elle ne le fasse. Pour prendre des nouvelles, même si je me doute bien qu'il n'y en a pas, et qu'on est dans l'attente. L'attente que tu nous quitte définitivement. Aujourd'hui j'ai beaucoup de rangement à faire dans le salon, Silhana a mis un bazar monstre. J'aurais aimé pouvoir discuter avec toi pendant ce rangement, ça m'aurait donné du courage, je n'aurais pas vu le temps passer, ni tous les efforts à fournir pour remettre la pièce en ordre. Enfin bon... Ce soir, on va à la piscine. La petite était toute contente hier, quand on lui a dit qu'on irait ce soir. Elle adore l'eau. Comme moi. Comme toi. Je viendrai te raconter. EDIT : Au fait, je viens de repenser à un détail. Maman m'a demandé de ne rien dire de ton état à Fred, avant-hier, au téléphone. Je ne sais trop quoi penser, c'est ton fils, il est en droit de savoir non? Peut-être a-t-elle peur qu'il ne fasse une boulette, et te dise ce qui t'arrive, et que tu pètes un plomb. Sauf que, dans son ignorance, il ne peut pas imaginer le fait qu'il ferait bien de venir te voir très vite. Je l'ai contacté pour lui dire qu'il le faudrait, voire même qu'on vienne ensemble. Mais sans préciser les raisons. Je ne sais quoi faire. Lui en parler, lui dire que ma mère ne voulait pas qu'il sache, que je ne sais pas pourquoi, mais qu'il doit faire comme si de rien n'était? Saurait-il faire ça? Ou alors, ne rien lui dire, à part que ça te ferait très plaisir de le voir depuis le temps, même si on se doute que tu vas mal l'accueillir puisque tu n'es pas fichu d'accueillir quelque correctement depuis quelques temps? Le fait est que tu trouves toujours quelque chose à redire, tu es tellement désagréable, tu ne te rends pas compte des efforts que l'on peut fournir pour toi... Je réfléchis encore. On verra bien. Mais je pense vraiment qu'il est en droit de savoir. Je ne peux même pas te demander ton avis à toi, car te parler de ça, m'obligerait à te dire la vérité, alors qu'elle doit rester cachée. De l'avis de maman. De l'avis du médecin. Pour pas que tu n'arraches tout.
Jeudi 29 septembre 2011
29/09/2011 17:06 par pourtoipapa
Bonjour papa. J'ai eu envie de t'appeler aujourd'hui. Comme on faisait avant que tout ça ne commence. Tu te souviens? Avant le début de ton hospitalisation en juin, je t'appelais 2 fois par semaine, pendant 1h et même des fois davantage, pendant que je m'occupais de ma cuisine, que je vidais le lave-vaisselle, rangeais... Et on parlait de tout et de rien! Ca a commencé à changer lors de ton hospitalisation au début du mois de juillet. Quand tu étais à la maison, je pouvais t'appeler sur ton fixe gratuitement. Depuis l'hôpital, tu n'as que ton portable, et là c'est payant. Pas que ça me gène particulièrement de payer, mais tu connais notre situation financière, plus ou moins. Puis vint la fin juillet. Tu sortais tout juste de l'hôpital que nous sommes venus, mon homme, ma fille et moi, pour te voir, dès le lendemain de ta sortie. Le dimanche 31 juillet. A ce moment-là, tu devais encore partir en vacances avec ma mère, je tenais à te voir juste avant que tu ne partes, déjà que nous ne nous parlions plus beaucoup au téléphone, beaucoup moins qu'avant en tout cas. Outre la présence de ta sonde urinaire, ta maigreur (mais ça allait encore, on en rigolait avec Manu d'ailleurs car tu avais perdu tout juste ce qu'il fallait, toute la graisse que tu avais accumulé!), et cette douleur étrange dans ton épaule, ça avait l'air d'aller. Tu étais fatigué, mais tu sortais juste de l'hôpital, il fallait que tu te remettes, c'était normal. Et quelques jours plus tard, le médecin t'a conseillé de ne pas partir en vacances, de ne pas faire les 900km en voiture, que ce ne serait pas sage. Alors on a eu une idée ensemble, tu t'en souviens? Que je vienne te voir à la maison, avec Silhana, 2 fois par semaine, durant les 4 semaines d'absence de ma mère. Pour que tu te sentes moins seul. Moi j'étais contente, on allait passer plein de temps ensemble! Et je n'avais pas à me soucier du coût des transports en commun que tu voulais prendre à ta charge. Tout ça me convenait. Mais le 1er août, la veille de ce qui devait être ma première visite avec ta petite-fille, tu as vu le médecin qui a voulu te faire réhospitaliser, pour cette douleur dans le bras et l'épaule. Le choix s'était posé, d'attendre le lendemain soir, pour que je puisse venir, ou de partir tout de suite. Je t'avais poussé à y aller tout de suite, car plus tôt tu rentrerais, plus tôt tu sortirais. J'ignorais à ce moment-là que je te faisais rentrer une journée plus tôt, dans un lieu d'où tu ne serais toujours pas sorti aujourd'hui, le 28 septembre. Tout s'est accéléré d'un coup pour toi. D'infection urinaire à caillot qui remontait vers le coeur (c'était la cause de ta douleur), quelque chose s'est rajouté en + lorsque je suis venue te voir à l'hôpital, le dimanche 14 août, lendemain de mon 26ème anniversaire. Ce jour-là, heureusement Manu et Sisi étaient redescendus avant que la petite ne voit ça, ce jour-là tu as vomi du sang peu après avoir bu un demi verre d'eau. C'est là que j'ai vraiment commencé à m'inquiéter, outre le fait que là tu avais vraiment beaucoup maigri. Incapable de manger depuis le début du mois, me disais-tu. Je t'ai arraché la promesse de te battre, promesse que tu as faite. Tu te souviens? Ulcère à l'estomac. Pas si grave. Impressionnant, mais pas si grave, ça se soigne bien. Et le fait est que ça a été soigné vite. Sauf que pendant ce temps-là, tu ne pouvais plus faire ta chimio pour ton cancer de la prostate, dont tu n'avais fait qu'une seule séance jusque-là, mais on racontait que tu pourrais reprendre ça dès que tu serais remis sur pieds. Le dimanche 18 septembre, nous t'avons rendu une nouvelle visite. Nous passions voir maman, pour le 2ème anniversaire de Silhana. Et nous avions prévu de faire un crochet par l'hôpital, pour que tu puisses nous voir, surtout elle, vu que c'était la star du jour. Je me souviens de ton accueil, tu nous attendais plus tôt, tu n'étais pas content. Puis tu as râlé parce qu'on ne t'avait pas apporté de gâteau d'anniversaire. Je m'en suis voulu de ne pas y avoir pensé, mais j'ai préféré me taire plutôt que de l'avouer. C'était sans compter sur Manu, qui a repensé au fait que nous avions les restes de ce gâteau dans la voiture. Il t'en a apporté une part, dans la petite assiette en plastique qui va avec le réhausseur de chaise de Silhana. Je me souviendrai toujours de la tête que tu as fait à ce moment-là. Tu en étais ému aux larmes. Tu étais vraiment content. Mais tes nausées en mangeant ne s'étaient pas arrangées. Tu n'as pu en manger qu'une bouchée. Mais tu étais content, c'est ce qui comptait, pour nous comme pour toi. Pas grave, tu en auras quand même eu! Je garde cette image de toi. Du moins, je la gardais. Jusqu'à ce que j'apprenne la vérité par ma mère, hier. Elle s'est fâché tout rouge avec le cancérologue qui te suit, avant-hier, pour comprendre pourquoi personne ne faisait en sorte que tu puisses prendre des forces. Elle ne veut pas que je t'en parle, pour que tu ne pètes pas un plomb, que tu ne vires pas ta sonde urinaire pour mettre fin à tout ça. Mais ici, on peut en parler, je sais que tu garderas ça pour toi. Tu sais papa, ta vie ne tient plus qu'à un fil. Ta sonde. Si on te la retire, tu nous quitteras sur le champ. Même si tu te remettais à manger ça n'y changerait rien. Ton cerveau est bien trop faible. Tellement que tu as des moments d'absence, que tu te mets à délirer. Depuis hier que j'ai appris ça, je ne fais que pleurer. Tout me ramène à toi, inlassablement. Tu vois, tout à l'heure, je m'occupais de ma cuisine comme tous les jours. Je ne pouvais me retirer de la tête le fait qu'en temps normal, à ce moment précisément, je devais être au téléphone avec toi, à parler de tout et de rien, comme avant. Après, j'ai couché Silhana, puis je suis partie prendre mon bain. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que des fois, tu m'appelais pendant que j'y étais, quand moi je ne t'avais pas appelé un peu plus tôt. J'ai espéré avoir cet appel. En vain. Ma mère me l'a dit hier, tu es désormais incapable de décrocher le téléphone. Et à chaque fois que j'ai essayé de t'appeler dessus hier, ça sonnait dans le vide, et c'est ta messagerie qui finissait par répondre. J'ai finalement pu te parler, en appelant ma mère sur son portable, il s'est trouvé qu'elle était près de toi. J'ai paniqué. Je suis désolée pour ça. Ca a duré 30 secondes. Le temps de te dire que je viendrais vite te voir, dès que possible. Tu as baragouiné une réponse qu'il m'a été totalement impossible de comprendre. Et ma mère a repris le téléphone. "Qu'est-ce que tu lui as dit?" "Que j'allais venir le voir le plus vite possible, m'man. Mais j'ai rien compris de sa réponse." "Ah mais il ne peut pas parler mieux de toute façon!" Tu ne parleras donc plus jamais comme avant? Est-il possible que ton état se soit dégradé aussi gravement en si peu de temps? En à peine 2 semaines depuis la dernière fois que je t'ai vu en face de moi? Quand j'y repense, je suis très heureuse que nous soyons restés jusque si tard, ce fameux 18 septembre. Plus de 2h. Ca nous a fait du bien à tous les 2, je crois. Je te l'avoue, j'ai peur de venir te voir à présent. Très peur. Peur de ce que je vais voir. Peur que tu sois tellement dans ton monde que tu ne me reconnaîtrais même pas. Je ne veux pas avoir cette image de toi. Si je viens te voir, je garderai à vie cette image de toi, dégradé, en toute fin de vie, se demandant si la Faucheuse t'emportera demain, dans 2 jours, dans 2 semaines, dans 2 mois... Et si je ne viens pas te voir, je regretterai toute ma vie de ne pas être venu te soutenir à ton chevet. Que faire... L'informatique étant la seule chose à laquelle tu te raccroches vraiment, même dans tes délires (maman m'a raconté que dans un de tes délires, alors même que le médecin était à côté de toi et que vous vous parliez au téléphone elle et toi, tu lui as demandé de t'apporter 4 CD rom. Où as-tu péché ça? Personne ne t'a demandé de lui dire ça...), j'ai donc l'espoir que dans ton esprit, où qu'il soit, tu trouveras le chemin jusqu'ici. Le mot de passe, tu peux le deviner, d'autant plus qu'il contient un élément symbolique pour toi. J'aurais aimé pouvoir partager avec toi ma joie de débuter ma formation. Tu te souviens? Je suis Assistante Maternelle! J'ai mon agrément! Me manque juste le 1er module de la formation, de 60h, pour pouvoir commencer à exercer. Ce module, il commence lundi. Je n'ai pas pu te l'annoncer par téléphone, alors tu l'apprendras ici. Je ne sais pas pendant combien de temps je continuerai de t'écrire comme ça. Je repasserai t'écrire dès que j'aurai quelque chose à te dire. Et je pense que des choses, il y en aura. Bon. Manu ne va pas tarder à rentrer. J'ai du linge à étendre. Sisi à lever bientôt, elle a un bain à prendre. Demain soir, on ira à la piscine après le boulot de Manu. Dimanche, la braderie de Houilles. Lundi, début de ma formation. Je viendrai sûrement te raconter tout ça. Ca m'a fait du bien de venir te parler, là, déjà.